Versa-t-il ?
- L'Incorrigible Correcteur
- 29 févr. 2020
- 2 min de lecture
Les modes sont tyranniques, y compris en matière de langage. Parfois surgies d'on ne sait où, elles savent comment s'imposer ; telles les vagues immenses d'un raz-de-marée — ou une nuée de sauterelles, dont elles partagent le caractère invasif —, elles déferlent pour, le temps d'un clin d’œil, ne laisser que quelques récifs où se perchent les dinosaures rétifs à s'y soumettre. Ne reste plus à ceux-ci qu'à attendre le moment où la dernière marée en date refluera. Car telle est la règle jamais démentie en matière de modes : elles finissent toujours par refluer, allant et venant, inconstantes, capricieuses et versatiles.

Versatile. Voilà bien un mot à la mode ! En vogue depuis déjà quelques années, notamment dans le journalisme sportif, il a depuis fait florès, au point que si la maltraitance dont il fait l'objet m'avait initialement complètement échappé, il ne se passe désormais plus une semaine sans que je le rencontre — ici au fil d'un article de presse, là dans une vidéo d'actualité, ou utilisé sur un quelconque forum — pour désigner le caractère polyvalent de tel ou tel athlète, professionnel, logiciel ou outil.
Un contresens — voire, un non-sens — que nous devons à l'influence de l'anglais, intarissable source de modes langagières. Car bien que les deux termes, anglais et français, trouvent leur origine dans le même adjectif latin, versatilis (signifiant « mobile, qui tourne aisément, qui se meut, qui peut être mu ou déplacé »), ils ne recouvrent en rien le même sens : là où l'anglais désigne effectivement la polyvalence, le français pointe l'inconstance de ce qui « change souvent d’opinion, qui est sujet à de brusques revirements ». En conséquence de quoi, l'on se gardera de verser dans cette mode... et l'on préférera garder les pieds au sec !
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