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  • L'Incorrigible Correcteur

Mes usages

"Mésusage". Voilà un terme que mes clients connaissent bien : il apparaît régulièrement en marge de mes corrections, aussi lapidaire qu'un coup de règle en bois sur les doigts d'un élève étourdi.


De fait, les fautes par mésusage sont parmi les plus courantes mais également les plus difficiles à éviter, parce qu'elles résultent, non d'une mauvaise connaissance de la langue, mais d'une trop grande confiance en soi et, précisément, en la connaissance que l'on en a. On pourrait comparer la faute par mésusage à un accident de voiture survenu sur un trajet court et répété des milliers de fois, phénomène bien documenté par les statistiques : c'est parce que l'on se sait en terrain connu que l'on prête le flanc à l'erreur.

La langue est ainsi faite qu'elle prospère à l'image d'un jardin : l'on peut certes en domestiquer le développement, la discipliner, la soumettre à la rationalité d'une pensée directrice — rôle dévolu en France à l'Académie — ; elle n'en vivra pas moins son existence propre, indépendante, se déplacera au petit bonheur la chance, au gré des errances browniennes qui tiraillent la société. Il en résulte une polysémie indue mais tenace, lorsque l'on persiste, par réflexe, à user d'un mot avec un sens qui lui est totalement étranger.


Et personne n'y échappe, pas même votre serviteur à l'esprit si borné — une qualité professionnelle non-négligeable dans ce métier. S'il y a bien un mésusage fréquent et qui fait partie, précisément, de mes usages, c'est celui qui consiste à utiliser, par mauvaise habitude, le verbe "supputer" comme synonyme de "supposer". Les deux ont beau se ressembler, le premier vient du latin supputare (« soupeser, calculer ») et signifie stricto sensu « estimer à quel chiffre se monte une somme » ou « évaluer une quantité d’après certaines données », d'après l'Académie française, qui rappelle dans la foulée qu'on « ne doit donc pas en faire un synonyme pompeux de supposer, penser, croire, etc. » Même lato sensu, le terme conserve cette arrière-pensée mathématique, impliquant d'« évaluer empiriquement » : l'on pourra, par exemple, supputer les efforts à consentir pour obtenir le résultat que l'on s'est fixé.


Me reste à supputer les efforts qu'il me faudra consentir, moi, pour me débarrasser de ce mésusage...













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