Sans quoi ?
- 30 avr. 2020
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« Le français, c'est comme les mathématiques », avait coutume de répéter ma prof de collège : si les secondes accordent les nombres, le premier, lui accorde en nombre. Cependant, à la différence de l'algèbre, qui refuse obstinément la multiplication par zéro, la grammaire, quant à elle, s'en accommode fort bien.
La négation suscite parfois l'hésitation : après « sans », « pas de » ou « dépourvu de », l'on éprouve souvent la tentation d'user du singulier plutôt que du pluriel. Quoi de plus logique, après tout : si le stock de papier toilette (permettez que je choisisse un exemple en rapport avec l'actualité) est écoulé, si l'on se retrouve, donc, au bout du rouleau, il ne saurait être question de plusieurs rouleaux : d'où l'inclination pour le singulier.
La règle de rigueur (si l'on peut dire) est à la fois plus subtile et plus hasardeuse. Plus subtile car le singulier n'a en rien vocation à exprimer l'absence : après « sans », le nom s'accorde exactement comme s'il était précédé de « avec ». L'on parlera en conséquence d'« un vieillard sans dents », d'« un pull sans manches » ou d'« un scénario sans surprises ».

Plus hasardeuse également, écrivais-je : d'abord parce qu'il n'est pas interdit d'employer le singulier dans le but d'insister sur l'absence, ni même, à l'inverse, de recourir au pluriel dans certaines hypothèses pour insister sur ce qui est absent. Enfin, certaines expressions figées usent du singulier là où la règle exposée plus haut commanderait le pluriel. C'est ainsi qu'on parlera sans détour, ou que ce cher colonel John « Hannibal » Smith préférait ses plans sans accroc.
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